Quels sont les métiers les plus utiles ?
Découvrez les cinq approches principales pour maximiser votre impact professionnel : gagner pour donner, transmettre des idées, faire de la recherche, travailler dans la gouvernance et développer des organisations.
Quels sont les métiers les plus utiles ?

Pourquoi Superman avait tort de combattre le crime – BD de SMBC.
Superman est considéré par beaucoup comme un héros. Mais il n'exploitait pas le plein potentiel de ses talents – à cet égard, il est peut-être l'exemple le plus criant de tous les personnages de fiction. C'était une erreur de consacrer son existence à combattre le crime, une affaire après l'autre ; avec un peu plus de créativité, il aurait pu avoir un impact beaucoup plus grand. Et s'il avait livré des vaccins à toute la planète à une vitesse surhumaine ? Il aurait pu éradiquer la plupart des maladies infectieuses et ainsi sauver des centaines de millions de vies.
Selon nous, beaucoup de personnes qui veulent « faire une différence » via leur carrière tombent dans le même piège que Superman. En début d'études, beaucoup désirent se lancer dans la médecine ou dans l'enseignement, alors que ces voies ne sont pas forcément les plus adaptées à leurs compétences respectives. Et, comme la lutte contre le crime de Superman, ces carrières n'offrent qu'une contribution limitée à la résolution d'un problème.
Par opposition, le médecin et prix Nobel Karl Landsteiner, avec sa découverte des groupes sanguins, a permis de sauver des centaines de millions de vies. Il n'aurait jamais pu réaliser lui-même un nombre équivalent d'opérations chirurgicales.
Nous présentons ci-dessous cinq méthodes auxquelles vous pouvez avoir recours via votre carrière pour contribuer à combattre les problèmes sociaux de votre choix (que nous avons identifiés dans l'article précédent) : gagner pour donner, chercher à diffuser des idées, faire de la recherche, améliorer la réglementation, ou travailler dans l'associatif. Vous pouvez voir chacune d'elles comme une gamme de compétences précieuses qui vous aidera dans votre volonté de contribution.
Pour encore plus de suggestions, jetez un œil à la liste des carrières à très fort impact que nous avons identifiées jusqu'ici grâce à nos recherches.
Temps de lecture : 20 minutes.
En deux mots
- Une fois que vous avez choisi un problème sur lequel vous pencher, comme vu dans le dernier article, l'étape suivante est de trouver le meilleur moyen de contribuer à le résoudre.
- Réfléchissez dans les grandes lignes aux options qui vous permettront d'avoir le plus d'impact, et notamment aux suivantes : recherche, communication d'idées et développement de communautés, poste à haut salaire pour reverser de l'argent à des œuvres caritatives, politique et gouvernance, contribution à une organisation.
- Concentrez-vous sur les approches qui sont prioritaires au sein de votre domaine. Dans certains, la résolution du problème va majoritairement passer par des changements de réglementation. D'autres ont surtout besoin de davantage de recherches, d'autres de financements, et ainsi de suite.
- À long terme, votre but sera de trouver l'option qui vous offrira le meilleur équilibre entre :
- L'urgence du problème ;
- L'importance de votre contribution ;
- Votre adéquation personnelle ;
- Vos autres objectifs à vous.
Approche n° 1 : gagner pour donner
Elton John aurait-il davantage apporté à l'humanité s'il avait travaillé dans une petite association ? En général, ce n'est pas à « rockstar » qu'on pense quand on cherche une voie professionnelle qui permette de faire une différence, mais (et indépendamment de la valeur de sa musique !) Elton John a sauvé des milliers de vies en freinant la propagation du VIH/SIDA[^1].

Elton John a eu un impact humanitaire colossal grâce à ses dons philanthropiques, ce qui à nos yeux rattrape largement son massacre d'I'm Still Standing. (Photo par Ernst Vikne)
Voici donc une stratégie rarement mise sur la table : gagner pour donner.
Nous rencontrons régulièrement des gens qui s'intéressent à des métiers bien payés, par exemple dans le développement logiciel, mais qui craignent de ne pas pouvoir faire une différence dans ce domaine. C'est en partie dû au fait qu'on n'envisage pas souvent « toucher plus d'argent » comme une option pertinente pour une personne qui veut avoir un impact positif. Pourtant, il y a beaucoup d'organisations efficaces qui n'ont aucun mal à attirer du personnel enthousiaste, mais qui n'ont pas les fonds pour les embaucher. Les personnes qui ont une possibilité de poste mieux payé peuvent faire des dons à ces organisations, et ainsi avoir une contribution indirecte importante.
« Gagner pour donner » est ici à comprendre comme : travailler à un poste à impact direct neutre ou positif, qui paie davantage que les autres options disponibles, et confier une grosse partie de la différence (typiquement, 20 à 50 % du salaire total) à des organismes qu'on estime très efficaces.
Gagner pour donner n'est pas réservé aux personnes qui travaillent dans les secteurs les mieux rémunérés, et concerne quiconque vise à gagner plus pour donner plus. Mais si votre profil convient particulièrement à une carrière très rémunératrice, c'est peut-être l'une des options à plus fort impact que vous ayez à votre disposition.
Voici l'histoire de Julia et Jeff, un couple avec trois enfants habitant Boston. Au cours de sa relation avec Julia, Jeff, alors technicien de recherche, s'est mis à envisager d'utiliser sa carrière pour faire le bien. Il a décidé de se former au métier d'ingénieur logiciel et a fini par décrocher un poste chez Google. Gagnant désormais plus de deux fois leur revenu précédent, Jeff et Julia ont commencé à donner environ la moitié de leur salaire à des organisations caritatives chaque année[^2].

Quartz : Jeff et Julia ont essayé de trouver le meilleur moyen de faire une différence.
Ainsi, leur contribution a été beaucoup plus importante qu'elle n'aurait pu l'être avec un emploi directement dans une organisation à but non lucratif. Voici l'impact de Jeff comparé à un impact de PDG d'une telle organisation[^3] :

Tableau comparatif d'impact[^4]
Jeff disposait d'environ deux fois plus d'argent pour vivre que ce qu'il aurait gagné dans l'associatif, tout en donnant assez pour financer les salaires de deux PDG d'organismes à but non lucratif, et ce avec un poste dont l'impact direct était, selon lui, globalement neutre. En plus de cela, il s'estimait plus heureux dans sa vie professionnelle, parce qu'il aime le travail d'ingénieur.
De plus, Jeff et Julia avaient la possibilité de modifier à tout moment l'affectation de leurs dons en faveur d'organisations qui en avaient davantage besoin, selon les résultats de leurs recherches. Il est beaucoup plus difficile de changer de travail. Cette flexibilité vous est d'autant plus précieuse si vous n'avez pas de certitude sur quels problèmes seront les plus pressants à l'avenir.
Un tel impact est possible parce que (comme nous l'avons vu plus tôt) nous vivons dans un monde où les inégalités salariales sont gigantesques. Il est possible de gagner plusieurs fois la rémunération de quelqu'un qui travaille dans l'enseignement ou dans l'associatif, et beaucoup, beaucoup plus que les populations les plus pauvres de la planète. En revanche, les personnes qui donnent plus de quelques pourcents de leur revenu étant rares[^5], si vous souhaitez le faire, vous pouvez avoir un impact incroyable dans énormément d'emplois différents.
Nous avons vu précédemment que n'importe qui, dans un pays développé, peut avoir un impact majeur après des études supérieures en confiant 10 % de son revenu à un organisme à but non lucratif efficace. En moyenne, cette population gagne 70 000 € par an au cours d'une vie, et 10 % de cette somme pourraient sauver environ 40 autres vies s'ils étaient reversés, par exemple, à Against Malaria Foundation.
Si vous arriviez à gagner 10 % plus, et à les donner, vous auriez à nouveau deux fois plus d'impact. Et s'il y a, selon vous, de meilleures organisations à financer qu'Against Malaria Foundation – qui se consacrent peut-être à des problèmes différents, qui font de la recherche, ou qui effectuent un travail de communication sur des idées importantes –, alors vous pouvez encore augmenter votre contribution.
Depuis que nous avons introduit le concept de « gagner pour donner » en 2011, des centaines de personnes l'ont adopté et s'y sont tenues. Certaines reversent environ 30 % de leur revenu, et quelques-unes vont même jusqu'à plus de 50 %. Ensemble, ce sont des dizaines de millions de dollars qu'elles vont donner à des organisations à fort impact dans les années à venir. Ainsi, elles financent des gens passionnés qui veulent contribuer directement mais qui n'auraient pas eu les ressources nécessaires autrement.
Une des personnes que nous avons conseillées en 2011, Matt, a donné environ un million d'euros avant même d'avoir atteint les 30 ans, et a fait l'objet d'un article dans le New York Times. Il a également constaté que son nouveau travail lui plaisait davantage.

« Les conseils de carrière de 80,000 Hours m'ont beaucoup aidé, notamment en me suggérant des manières d'améliorer mon bien-être au travail. »
La voie « gagner pour donner » est-elle faite pour vous ?
Cette stratégie a été une de nos idées les plus mémorables et les plus controversées. Elle a reçu l'attention de la BBC, du Washington Post, du Daily Mail et de bien d'autres médias.
À cause de ce contexte, on croit souvent qu'il s'agit de notre recommandation n° 1. Mais ce n'est pas le cas.
Pour nous, il s'agit plutôt d'un référentiel de base. C'est une voie dans laquelle beaucoup pourraient se lancer et accomplir de belles choses – à l'échelle d'une centaine de vies sauvées ou plus, comme nous venons de le voir.
Mais nous pensons que la majorité de notre lectorat pourrait avoir un impact encore plus important en suivant une des autres approches ci-dessous. Selon nous, sur l'ensemble des individus à qui nous offrons des conseils personnalisés, 10 % seulement devraient gagner pour donner.
En fait, Jeff a quitté son emploi bien payé chez Google en 2022. Il est maintenant chercheur au Nucleic Acid Observatory et travaille sur un système de surveillance des eaux usées qui pourra, il l'espère, aider à détecter les pandémies potentielles avant qu'elles ne commencent. Jeff et Julia continueront à reverser 30 % de leur revenu, mais partent du principe que le nouveau salaire de Jeff étant plus bas, la majorité de leur impact positif viendra directement de leur travail.
Alors, comment savoir si « gagner pour donner » est une stratégie prometteuse pour vous ?
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S'il y a un poste très rémunérateur auquel votre profil vous semble particulièrement adapté, comme Jeff pour le développement logiciel, et que d'autres options qui auraient de l'impact ne vous conviennent pas. (Ne vous lancez surtout pas dans le développement logiciel si c'est quelque chose que vous allez détester !)
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S'il y a un métier en particulier que vous avez vraiment envie de faire pour des raisons différentes mais qui vous permettrait également de faire des dons importants. Par exemple, peut-être que vous avez toujours voulu devenir médecin, ou qu'un bon salaire vous est nécessaire pour subvenir aux besoins de votre famille.
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Si vous pensez qu'un poste très bien payé est un moyen intéressant de développer des compétences (que vous pourrez employer de manière plus directe plus tard) et que gagner pour donner vous permettrait de ne pas vous déconnecter de votre volonté d'impact social d'ici là. Par exemple, travailler chez une start-up dans la tech serait l'occasion d'acquérir des compétences d'organisation également utiles pour la gestion d'un organisme à but non lucratif. (Dans l'article suivant, nous allons expliquer l'importance du « capital professionnel ».)
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Si vous ne savez vraiment pas quels sont les problèmes les plus pressants. Gagner pour donner vous octroie une certaine souplesse : vous pouvez changer l'affectation de vos dons ou même garder la somme de côté et la reverser plus tard. (Mais il n'y a pas que l'argent qui permette cette flexibilité ! Beaucoup de compétences, et notamment celles dont nous traitons plus bas, sont transférables d'un domaine à l'autre.)
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Si le secteur auquel vous voulez contribuer a surtout besoin de financements et pas tellement de nouveaux cerveaux disponibles.
Quelques objections typiques à la stratégie « gagner pour donner »
Beaucoup de métiers bien payés ont un impact négatif sur le monde, non ?
Nous ne recommandons pas d'exercer un emploi nocif, même si l'objectif est de gagner pour donner. Nous avons d'ailleurs écrit tout un article pour expliquer cette position.
En pratique, la plupart des gens qui gagnent pour donner travaillent dans la technologie, la gestion d'actifs, la médecine ou le conseil, et, à notre avis, il y a de nombreux postes neutres en termes d'impact dans ces secteurs, ou même légèrement positifs. Par exemple, beaucoup de traders (quoique pas l'intégralité) réalisent des profits aux dépens d'autres traders ; les flux d'argent vont donc principalement de personnes riches à personnes riches. Bien sûr, certains métiers très rémunérateurs peuvent causer beaucoup de mal. Sam Bankman-Fried en est une illustration particulièrement criante. Fondateur d'une plateforme d'échange de cryptomonnaies, il prétendait avoir pour objectif de gagner pour donner. Nous l'avons même présenté sur notre site comme un bon exemple ! Mais Sam a été reconnu coupable en justice pour fraude.
Vous trouverez davantage d'informations sur Sam et les dégâts potentiels que peuvent causer les carrières très rémunératrices dans cet article. Pour résumer : certes, on peut avoir un bel impact en gagnant pour donner, mais nous sommes d'avis que commettre des actes répréhensibles dans l'optique du bien commun est presque toujours une mauvaise idée, et ce même en supposant que vos dons dépasseraient réellement les dommages causés par une carrière à impact négatif.
Est-ce qu'on peut vraiment se tenir à cet engagement ?
Une fois qu'on gagne beaucoup, est-ce qu'on ne risque pas de se faire influencer par ses pairs et de dépenser son argent en produits de luxe plutôt que de le confier à d'autres ? C'était quelque chose qui nous inquiétait, à l'époque où nous avons lancé cette idée, mais qui n'est pas arrivé si souvent que ça. Des centaines de personnes suivent la stratégie « gagner pour donner », et quelques-unes y ont renoncé pour une autre voie où elles avaient le potentiel d'accomplir davantage, mais étonnamment peu (du moins, à notre connaissance) ont abandonné leurs objectifs philanthropiques. C'est en partie parce que beaucoup d'entre elles ont annoncé leurs intentions via un engagement public, souvent celui de Giving What We Can. La présence d'une communauté d'individus qui ont le même objectif aide également à rester fidèle à cette volonté.
Mais si vous visez des sommes d'argent vraiment très importantes, vous vous mettez face à un risque beaucoup plus conséquent : la corruption du pouvoir. Nos inquiétudes sont donc davantage dirigées vers les personnes qui tâchent de gagner autant que possible, à l'exclusion de tout le reste. Nos suggestions : engagez-vous à donner à l'avance et en public, et, si vous réussissez bel et bien à amasser une petite fortune, mettez en place des mesures de protection pour vous aider à maintenir le cap et à employer vos fonds de façon responsable : conseil d'administration, structures de gouvernance formelles, conseillers et conseillères qui pourront vous empêcher de dévier du droit chemin, etc. Nous avons développé la question du risque de se faire corrompre par une carrière très bien payée ici.
Et si les métiers bien payés ne m'intéressent pas ?
Dans ce cas, ne vous forcez pas. Nous ne recommandons cette stratégie que si l'option très rémunératrice est quelque chose qui vous convient. Mais gardez à l'esprit que, comme nous l'avons vu précédemment, il y a plus de métiers que vous ne le pensez qui pourraient finir par vous intéresser.
Pour en apprendre davantage sur la stratégie « gagner pour donner », ses avantages et les principales réticences qu'elle suscite, voir notre article complet :
Approche n° 2 : transmettre des idées
Voici deux options :
- Gagner pour donner vous-même.
- Persuader deux proches de gagner pour donner.
La seconde a davantage d'impact positif – à peu près deux fois plus, en fait. C'est un exemple parlant du potentiel des carrières dans la communication.
Beaucoup des personnes qui ont eu le plus d'impact dans notre histoire étaient, d'une façon ou d'une autre, des porte-parole – en diffusant des idées importantes et des solutions à des problèmes urgents.
Prenez Rosa Parks, qui a refusé de donner son siège à un homme blanc dans le bus. La campagne de protestation qui a suivi son acte a abouti à une décision de la Cour suprême des États-Unis déclarant anticonstitutionnelle la ségrégation dans les bus. Parks gagnait sa vie en tant que couturière, mais était très impliquée dans le mouvement pour les droits civiques sur son temps libre. Après son arrestation, elle a travaillé dur et surtout stratégiquement, main dans la main avec la NAACP. Leurs nuits blanches ont permis d'imprimer des milliers de tracts et d'appeler à un boycott total des bus dans une ville peuplée de 40 000 Afro-Américains et Afro-Américaines, mais aussi de faire avancer leurs actions en justice. Cela a permis des progrès majeurs pour la lutte contre le racisme.

Beaucoup des personnes qui ont eu le plus d'impact dans notre histoire étaient des porte-parole à leur façon, et on peut devenir porte-parole dans n'importe quel emploi. Rosa Parks travaillait comme femme de ménage et couturière avant de s'illustrer dans les droits civiques.
Il y a également de nombreux exemples dont on n'entend jamais parler. On peut citer Victor Zhdanov, qui fait sans doute partie des figures du 20e siècle ayant sauvé le plus de vies. Dans les années 1950, il était vice-ministre soviétique de la Santé quand il a proposé à l'Assemblée mondiale de la santé d'éradiquer la variole. Après des débats politiques considérables, cette proposition a été adoptée et a mené au plus grand succès de santé publique de l'histoire, évitant sans doute plus de 200 millions de morts.

Victor Zhdanov a proposé l'éradication mondiale de la variole.
Bien que nous nous concentrions surtout sur les carrières où l'on diffuse des idées importantes, n'importe quel emploi peut représenter une opportunité de faire du plaidoyer. Dans beaucoup d'emplois, vous interagissez avec des collègues et des clients en position d'influencer d'importantes décisions. Vous pouvez tirer parti de cette position pour faire avancer des idées qui vous tiennent à cœur.
Alan Turing, par exemple, a sauvé des millions de vies grâce à ses contributions au décryptage du code Enigma[^6] pendant la Seconde Guerre mondiale – mais il ne travaillait pas dans une école ou un hôpital. Il était mathématicien, employé par le gouvernement pour ses compétences techniques. C'est son savoir-faire en mathématiques qui lui a permis d'apporter une contribution si cruciale à la résolution d'un des problèmes les plus importants de son époque.

Alan Turing devant une machine de décryptage « Bombe » à Bletchley Park.
De même, beaucoup de chercheurs et chercheuses qui œuvrent en coulisses ont un impact majeur en développant des idées qui finissent par influencer les décideurs politiques. Ils ne sont qu'environ 0,1 % de la population mondiale[^7], alors qu'ils ont une influence énorme sur notre vision du monde.
Dans ce domaine, le potentiel d'un individu seul est énorme. Des idées comme celle de la démocratie ou des droits humains ont eu un impact incomparablement plus important que n'importe quelle intervention directe.
En plus de cela, il est difficile de mesurer à l'avance l'impact des idées, car elles peuvent se diffuser de façon exponentielle : vous convainquez deux personnes, qui en convainquent quatre autres, qui en convainquent huit autres, et ainsi de suite. Vous avez plus de chance d'avoir un impact énorme de cette façon qu'en travaillant directement sur un problème. La contrepartie, c'est que la communication sur les idées échoue souvent : il est possible que personne ne vous écoute.
Voici quelques voies de carrière particulièrement efficaces pour transmettre des idées importantes :
Recherche universitaire
La recherche est à l'origine des progrès à long terme de l'humanité, et beaucoup de chercheurs et chercheuses arrivent à exercer une influence considérable. Prenez par exemple Katalin Karikó, qui a développé la technologie de l'ARN messager à la base des vaccins contre le Covid-19. Ses recherches ont permis de sauver des millions de vies.
Ou bien, pour prendre un exemple plus récent, Geoffrey Hinton est souvent considéré comme le « parrain de l'intelligence artificielle », grâce aux travaux qu'il a menés sur les réseaux de neurones dans les années 1980 et qui sont maintenant au cœur de l'IA moderne. Ses idées ont non seulement révolutionné le domaine technologique, mais l'amènent aujourd'hui à s'inquiéter publiquement des risques de l'IA et à influencer les débats sur sa réglementation.
En se concentrant sur des questions importantes et négligées (comme nous l'avons expliqué dans l'article précédent), on peut avoir un impact majeur via la recherche. Parce que les académiques sont peu nombreux et que beaucoup d'idées importantes restent encore à découvrir.
Journalisme et rédaction
Les médias ont le pouvoir de façonner l'opinion publique et d'attirer l'attention sur des sujets négligés. La journaliste Ida B. Wells, au tournant du 20e siècle, a mené une campagne courageuse contre le lynchage aux États-Unis, documentant ces crimes et sensibilisant le public à cette injustice, contribuant ainsi à l'émergence du mouvement des droits civiques.
Plus récemment, le journalisme d'investigation a joué un rôle crucial dans la révélation de scandales comme les Panama Papers ou l'affaire Cambridge Analytica, conduisant à des changements de politique et de réglementation dans le monde entier.
Politique et gouvernance
Les personnalités politiques ont souvent l'opportunité de mettre en place des politiques à grande échelle. Un bon exemple est celui de Norman Borlaug, père de la révolution verte, qui a non seulement développé de nouvelles variétés de blé mais a aussi consacré beaucoup de temps et d'énergie à convaincre les gouvernements de les adopter. On estime que son travail a sauvé un milliard de vies.
De même, des fonctionnaires peuvent avoir un impact considérable en travaillant sur des politiques importantes. Frances Kelsey, une employée de la FDA (l'agence américaine du médicament), a refusé d'autoriser la thalidomide aux États-Unis dans les années 1960, épargnant à des milliers de bébés américains les malformations congénitales causées par ce médicament.
Entrepreneuriat
Les entrepreneurs qui créent des entreprises pour résoudre des problèmes importants peuvent avoir un impact majeur, d'autant plus s'ils utilisent leur plateforme pour sensibiliser à ces enjeux. Elon Musk, par exemple, a contribué à accélérer l'adoption des véhicules électriques et de l'énergie solaire, tout en attirant l'attention sur les risques liés à l'intelligence artificielle.
Plus récemment, les fondateurs d'entreprises comme BioNTech[^8] ont développé des vaccins à ARN messager qui ont sauvé des millions de vies pendant la pandémie de Covid-19.
Communication et médias
Les créateurs de contenu, les documentaristes et les vulgarisateurs scientifiques peuvent sensibiliser le grand public à des problèmes importants. David Attenborough, par exemple, a joué un rôle crucial dans la sensibilisation aux questions environnementales grâce à ses documentaires sur la nature.
Dans le domaine numérique, des chaînes YouTube comme Kurzgesagt ou des podcasts comme The Tim Ferriss Show touchent des millions de personnes et peuvent considérablement influencer la perception du public sur des sujets complexes.
Si cette approche vous intéresse, nous vous suggérons de :
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Identifier les idées importantes que vous pourriez contribuer à diffuser, en vous concentrant sur les problèmes les plus pressants selon notre méthode.
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Développer votre expertise dans un domaine particulier pour avoir la crédibilité nécessaire.
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Choisir les bons canaux de diffusion selon votre audience cible et vos compétences.
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Construire un réseau de personnes qui partagent vos préoccupations et peuvent amplifier votre message.
Approche n° 3 : faire de la recherche
Les progrès à long terme de l'humanité dépendent des avancées en matière de connaissances. Beaucoup de nos plus grandes victoires contre la souffrance – la découverte des antibiotiques, l'élimination de la variole, la révolution verte – ont été rendues possibles par la recherche fondamentale menée des décennies plus tôt.
La recherche peut être un moyen particulièrement efficace d'avoir un impact si vous vous concentrez sur les bonnes questions. Comme nous l'avons vu dans l'article précédent, certains problèmes sont à la fois très importants et relativement négligés par les chercheurs. En travaillant sur ces questions, vous avez plus de chances de faire des découvertes qui importeront vraiment.
De plus, la recherche peut avoir un impact qui perdure des décennies, voire des siècles. Les travaux de Darwin sur l'évolution ou ceux d'Einstein sur la relativité continuent d'influencer notre compréhension du monde plus d'un siècle après leur publication.
Voici quelques domaines de recherche qui nous semblent particulièrement prometteurs :
Intelligence artificielle et alignement
L'intelligence artificielle progresse rapidement et pourrait transformer radicalement notre société dans les décennies à venir. Mais s'assurer que ces systèmes restent alignés avec les valeurs humaines pose des défis techniques complexes. La recherche sur l'alignement de l'IA – c'est-à-dire s'assurer que les systèmes d'IA font ce que nous voulons vraiment qu'ils fassent – est donc cruciale pour notre avenir.
Des chercheurs comme Stuart Russell à Berkeley ou Yoshua Bengio au Mila travaillent sur ces questions et attirent l'attention des décideurs politiques sur l'importance de développer une IA sûre.
Sécurité biologique
Les pandémies représentent un risque majeur pour l'humanité, comme nous l'a rappelé le Covid-19. La recherche sur la prévention des pandémies, les moyens de détecter rapidement les nouveaux pathogènes, et le développement rapide de contre-mesures (vaccins, traitements) est donc essentielle.
Des organisations comme le Johns Hopkins Center for Health Security mènent des recherches importantes sur ces questions.
Changement climatique
Bien que ce domaine reçoive déjà beaucoup d'attention, il reste des questions de recherche cruciales, notamment sur les technologies de capture du carbone, le géo-ingénierie, ou les moyens d'adaptation au changement climatique.
Réduction de la pauvreté mondiale
L'économie du développement a fait des progrès considérables ces dernières décennies. Des chercheurs comme Esther Duflo et Abhijit Banerjee (prix Nobel d'économie 2019) ont révolutionné la façon dont nous évaluons l'efficacité des interventions contre la pauvreté grâce aux essais randomisés contrôlés.
Bien-être animal
La recherche sur la cognition et la sentience animales peut nous aider à mieux comprendre quels animaux souffrent et comment réduire cette souffrance. C'est un domaine encore relativement négligé mais qui pourrait avoir un impact énorme étant donné le nombre d'animaux concernés.
Pour maximiser votre impact via la recherche, nous suggérons de :
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Choisir des questions importantes et négligées, plutôt que de suivre les modes académiques.
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Collaborer avec des praticiens pour s'assurer que vos recherches sont applicables dans le monde réel.
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Communiquer vos résultats au-delà de la communauté académique, notamment aux décideurs politiques et au grand public.
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Former la prochaine génération de chercheurs qui pourront poursuivre et amplifier vos travaux.
Approche n° 4 : travailler dans la gouvernance et la réglementation
Les gouvernements ont un pouvoir considérable pour façonner le monde. Une seule loi bien conçue peut affecter des millions de vies. Une mauvaise réglementation peut entraver le progrès pendant des décennies. C'est pourquoi travailler dans la gouvernance – que ce soit en tant qu'élu, fonctionnaire, ou conseiller – peut être un moyen particulièrement efficace d'avoir un impact.
L'avantage de cette approche est l'effet de levier : en influençant les politiques publiques, vous pouvez démultiplier votre impact bien au-delà de ce que vous pourriez accomplir individuellement.
Prenons quelques exemples concrets :
Réglementation de la sécurité
Ralph Nader, avocat et militant, a contribué à l'adoption de nombreuses lois sur la sécurité automobile aux États-Unis dans les années 1960 et 1970. On estime que ces réglementations ont sauvé plus d'un million de vies depuis leur mise en place.
De même, les fonctionnaires qui ont travaillé sur l'interdiction de l'essence plombée ont probablement évité des millions de cas de retard mental chez les enfants.
Politique de santé publique
L'épidémiologiste William Foege a joué un rôle crucial dans l'éradication de la variole en développant la stratégie de « surveillance et endiguement » qui a rendu cette éradication possible avec des ressources limitées.
Plus récemment, les conseillers scientifiques des gouvernements pendant la pandémie de Covid-19 ont influencé des décisions qui ont affecté des milliards de vies.
Réglementation technologique
Alors que de nouvelles technologies comme l'intelligence artificielle, l'édition génétique, ou les cryptomonnaies émergent, il est crucial d'avoir des régulateurs compétents qui comprennent ces technologies et peuvent élaborer des réglementations appropriées.
Tim Berners-Lee, l'inventeur du World Wide Web, travaille maintenant avec des gouvernements pour développer des politiques qui protègent les droits numériques des citoyens.
Politique environnementale
Christiana Figueres, qui a dirigé la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, a joué un rôle crucial dans l'adoption de l'Accord de Paris en 2015.
Au niveau national, des fonctionnaires ont contribué à l'adoption de politiques comme les normes d'efficacité énergétique ou les taxes carbone qui ont un impact considérable sur les émissions.
Voici quelques voies d'entrée dans la gouvernance :
Fonction publique
Rejoindre la fonction publique vous permet de travailler directement sur l'élaboration et la mise en œuvre des politiques. Les domaines particulièrement importants incluent :
- Ministères de la santé, de l'environnement, de la défense
- Agences de régulation (médicaments, technologies, finance)
- Services de renseignement et de sécurité nationale
- Organismes de recherche publics
Conseil et expertise
Beaucoup de gouvernements font appel à des consultants externes pour obtenir une expertise spécialisée. Cela peut être une voie d'accès si vous avez développé une expertise reconnue dans un domaine pertinent.
Think tanks et organisations de recherche politique
Ces organisations influencent les politiques publiques en produisant des recherches et des recommandations. Des think tanks comme la Brookings Institution aux États-Unis ou l'Institut Montaigne en France ont une influence considérable sur les débats politiques.
Organisations internationales
L'ONU, l'OCDE, l'UE et d'autres organisations internationales élaborent des politiques qui affectent des milliards de personnes. Y travailler peut vous permettre d'avoir un impact global.
Carrière politique
Se présenter à des élections et exercer des mandats électifs vous donne un pouvoir direct de décision politique. Bien que cette voie soit plus risquée et incertaine, l'impact potentiel est énorme.
Pour maximiser votre impact dans la gouvernance, nous recommandons de :
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Développer une expertise dans un domaine technique pertinent avant d'entrer en politique.
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Comprendre le processus politique et comment l'influence s'exerce réellement dans votre contexte.
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Construire un réseau de contacts dans les milieux politiques et de la société civile.
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Rester focalisé sur l'impact plutôt que sur l'avancement de carrière ou la reconnaissance.
Approche n° 5 : participer au développement d'organismes
Si vous rejoignez le bon organisme au bon moment, vous pouvez contribuer à résoudre un problème important et développer simultanément un ensemble de compétences très demandées dans ce secteur.
Cette approche est particulièrement attrayante si vous voulez avoir un impact direct et mesurable, tout en apprenant les rouages d'un domaine d'impact.
Voici les principaux types d'organismes où vous pourriez avoir un impact significatif :
Organisations à but non lucratif
Les ONG peuvent jouer un rôle crucial dans la résolution de problèmes sociaux. Médecins Sans Frontières sauve des vies en zones de conflit, GiveDirectly révolutionne la façon dont nous pensons l'aide au développement, et des organisations comme l'Open Philanthropy Project orientent des milliards de dollars vers les causes les plus efficaces.
L'avantage de travailler dans ce secteur est que l'impact est généralement l'objectif principal de l'organisation. Vous n'avez pas à jongler entre profit et impact social.
Entreprises sociales
Ces entreprises utilisent des mécanismes de marché pour résoudre des problèmes sociaux. D'Armentières, par exemple, développe des traitements contre les maladies tropicales négligées. M-Shule utilise la technologie pour améliorer l'éducation en Afrique.
L'avantage des entreprises sociales est qu'elles peuvent être plus durables financièrement que les ONG traditionnelles.
Organismes publics
Comme nous l'avons vu dans la section sur la gouvernance, travailler pour des organismes publics peut vous permettre d'influencer des politiques importantes. Cela inclut les ministères, les agences de régulation, les laboratoires de recherche publics, etc.
Organisations internationales
L'OMS, l'UNICEF, le Programme alimentaire mondial et d'autres organisations internationales travaillent sur des problèmes globaux à grande échelle. Leur impact potentiel est énorme, même si elles peuvent parfois être bureaucratiques.
Nouvelles organisations prometteuses
Rejoindre une organisation naissante qui travaille sur un problème important peut être particulièrement impactant. Vous pouvez contribuer à façonner sa culture et sa stratégie depuis le début.
Par exemple, des organisations récentes comme Anthropic (sécurité IA), the Good Food Institute (alternatives à la viande), ou 80,000 Hours (orientation de carrière) ont été créées pour répondre à des problèmes négligés.
Pour choisir l'organisme approprié, nous suggérons de considérer :
L'importance du problème traité
L'organisme travaille-t-il sur un problème vraiment important ? Utilise-t-il les critères d'ampleur, de négligence et de résolvabilité que nous avons présentés dans l'article précédent ?
L'efficacité de l'organisation
L'organisme a-t-il une approche fondée sur des preuves ? Mesure-t-il son impact ? A-t-il une théorie du changement claire et plausible ?
Des sites comme GiveWell, Animal Charity Evaluators, ou Giving What We Can peuvent vous aider à identifier les organisations les plus efficaces dans différents domaines.
Votre ajustement personnel
Vos compétences correspondent-elles aux besoins de l'organisation ? Apprendriez-vous des compétences utiles ? Vous épanouiriez-vous dans cette culture organisationnelle ?
Les opportunités de développement
L'organisme vous offrirait-il des opportunités d'apprendre et de progresser ? Pourriez-vous y développer des compétences transférables ?
La stabilité et les perspectives
L'organisme est-il financièrement stable ? A-t-il des perspectives de croissance ? Ces considérations sont importantes pour votre sécurité personnelle et l'impact à long terme de l'organisation.
Voici quelques compétences particulièrement utiles dans ce secteur :
- Gestion de projet et opérations : Capacité à faire fonctionner efficacement une organisation
- Levée de fonds : Compétence cruciale pour beaucoup d'ONG
- Communication et marketing : Pour sensibiliser aux causes importantes
- Recherche et analyse : Pour s'assurer que les interventions sont efficaces
- Compétences techniques : Selon le domaine (santé, technologie, environnement, etc.)
Il est également possible de créer votre propre organisation si vous identifiez un gap important dans un domaine négligé. Cela demande des compétences entrepreneuriales mais peut avoir un impact énorme si vous réussissez.
Des idées supplémentaires de carrières pour faire une différence
Au-delà des cinq approches principales que nous venons de présenter, il existe de nombreuses autres façons d'avoir un impact positif via sa carrière. Voici quelques pistes supplémentaires :
Expertise technique spécialisée
Dans certains domaines techniques, il y a une pénurie d'experts qui comprennent à la fois les aspects techniques et les implications sociales. Par exemple :
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Sécurité informatique : Avec la numérisation croissante de notre société, les experts en cybersécurité jouent un rôle crucial pour protéger les infrastructures critiques.
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Statistiques et sciences des données : L'explosion des données crée de nouvelles opportunités pour résoudre des problèmes sociaux, mais nécessite des experts qui comprennent les enjeux éthiques.
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Droit spécialisé : Les juristes qui comprennent les nouvelles technologies (IA, biotechnologies, cryptomonnaies) sont essentiels pour élaborer des réglementations appropriées.
Médecine et santé publique
Bien que nous ayons mentionné que la médecine n'est pas toujours la voie la plus impactante, certaines spécialisations peuvent l'être :
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Maladies tropicales négligées : Travailler sur des maladies qui affectent les populations les plus pauvres mais reçoivent peu d'attention.
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Médecine d'urgence humanitaire : Intervenir dans les crises sanitaires et les zones de conflit.
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Santé mondiale : Travailler sur les politiques de santé publique à l'échelle internationale.
Éducation et formation
L'éducation peut avoir un impact multiplicateur en formant la prochaine génération de leaders et de résolveurs de problèmes :
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Formation des élites : Enseigner dans des universités prestigieuses peut vous permettre d'influencer les futurs dirigeants.
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Vulgarisation scientifique : Rendre les connaissances scientifiques accessibles au grand public.
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Formation professionnelle : Former des professionnels dans des domaines à fort impact.
Finance et investissement
Le secteur financier peut contribuer à orienter les capitaux vers des solutions aux problèmes mondiaux :
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Investissement d'impact : Diriger des investissements vers des entreprises qui résolvent des problèmes sociaux ou environnementaux.
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Finance durable : Développer des produits financiers qui encouragent les pratiques durables.
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Philanthropie stratégique : Conseiller les gros donateurs sur les moyens de maximiser leur impact.
Ingénierie et technologie
Les ingénieurs peuvent développer des technologies qui améliore la vie de milliards de personnes :
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Technologies pour le développement : Créer des solutions adaptées aux contraintes des pays en développement.
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Énergie propre : Développer des technologies énergétiques plus durables et moins chères.
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Biotechnologies : Travailler sur de nouveaux traitements, vaccins, ou solutions alimentaires.
La bonne approche pour vous
Avec toutes ces options, comment choisir la bonne approche pour vous ? Voici un cadre pour vous aider à décider :
1. Évaluez vos forces personnelles
Quelles sont vos compétences naturelles ? Dans quoi excellez-vous ? Quels types de tâches vous énergisent plutôt qu'elles ne vous épuisent ?
- Si vous êtes doué pour la communication et que vous aimez convaincre les gens, la diffusion d'idées pourrait vous convenir.
- Si vous excellez dans l'analyse quantitative et que vous aimez résoudre des problèmes complexes, la recherche pourrait être votre voie.
- Si vous êtes entrepreneur dans l'âme et que vous savez mobiliser des équipes, créer ou développer une organisation pourrait être optimal.
2. Considérez vos contraintes personnelles
Quelles sont vos contraintes financières, géographiques, familiales ? Ces contraintes peuvent influencer vos choix de carrière.
- Si vous avez des obligations financières importantes, « gagner pour donner » pourrait être la meilleure option à court terme.
- Si vous ne pouvez pas déménager, cela pourrait limiter vos options dans certains domaines.
- Si vous voulez un équilibre vie privée/vie professionnelle, certaines carrières très exigeantes pourraient ne pas convenir.
3. Évaluez les besoins du domaine
Différents problèmes ont besoin de différents types de contributions :
- Un domaine émergent comme la sécurité de l'IA a surtout besoin de chercheurs et d'entrepreneurs.
- Un domaine établi comme la santé mondiale pourrait avoir davantage besoin de financement et de praticiens expérimentés.
- Un domaine politiquement sensible comme la gouvernance de l'IA a besoin de personnes qui comprennent à la fois la technique et la politique.
4. Réfléchissez à votre horizon temporel
Quel impact voulez-vous avoir et sur quelle échelle de temps ?
- Si vous voulez avoir un impact immédiat et mesurable, travailler dans une organisation établie pourrait convenir.
- Si vous êtes prêt à investir des années pour un impact potentiellement plus grand, la recherche ou la création d'organisation pourrait être mieux.
- Si vous voulez construire votre influence progressivement, une carrière en politique pourrait convenir.
5. Testez avant de vous engager
Beaucoup de ces carrières peuvent sembler attrayantes en théorie mais ne pas vous convenir en pratique. Essayez de tester vos hypothèses :
- Faites des stages ou du bénévolat dans les domaines qui vous intéressent
- Discutez avec des professionnels de ces secteurs
- Essayez des projets pilotes ou des collaborations à petite échelle
- Participez à des conférences ou des formations dans ces domaines
Conclusion : quel travail choisir pour avoir le maximum d'impact ?
Après avoir exploré ces différentes approches, revenons à la question centrale : comment choisir le travail qui vous permettra d'avoir le maximum d'impact positif ?
La réponse dépend de quatre facteurs principaux que vous devez équilibrer :
1. L'urgence du problème
Travaillez-vous sur un problème vraiment important ? Utilisez les critères d'ampleur, de négligence et de résolvabilité que nous avons présentés dans l'article précédent pour évaluer l'importance relative des différents domaines.
2. Votre contribution marginale
Quel sera votre contribution supplémentaire dans ce domaine ? Si un problème reçoit déjà beaucoup d'attention et de ressources, votre contribution marginale pourrait être faible. À l'inverse, si vous pouvez apporter une expertise unique dans un domaine négligé, votre impact pourrait être énorme.
3. Votre adéquation personnelle
Quelles sont vos chances de réussir dans ce domaine ? Cela dépend de vos compétences, de votre passion, et des opportunités disponibles. Vous aurez plus d'impact dans un domaine où vous pouvez exceller que dans un domaine objectivement plus important mais où vous serez médiocre.
4. Vos autres objectifs
Votre carrière doit aussi répondre à vos besoins personnels : sécurité financière, épanouissement, équilibre vie privée/professionnelle, etc. Une carrière insoutenable sur le long terme ne sera pas optimale pour votre impact.
Appliquer ces idées à votre propre carrière
Voici un processus concret pour appliquer ces idées à votre situation :
Étape 1 : Clarifiez vos valeurs et priorités
Quels sont les problèmes mondiaux qui vous préoccupent le plus ? Quelles sont vos contraintes personnelles ? Quel équilibre voulez-vous entre impact, épanouissement personnel et sécurité ?
Étape 2 : Évaluez vos forces
Faites un inventaire honnête de vos compétences, de votre personnalité, et de vos intérêts. Demandez des retours à vos proches et collègues. Considérez faire des tests de personnalité ou des bilans de compétences.
Étape 3 : Explorez les options
Identifiez 3-5 pistes de carrière qui semblent correspondre à vos valeurs et à vos forces. Renseignez-vous sur ces domaines, rencontrez des professionnels, testez par des stages ou du bénévolat.
Étape 4 : Expérimentez et itérez
Plutôt que de chercher la carrière parfaite dès le départ, adoptez une approche expérimentale. Essayez différentes opportunités, apprenez de vos expériences, et ajustez votre trajectoire progressivement.
Étape 5 : Investissez dans votre capital professionnel
Quoi que vous choisissiez, continuez à développer vos compétences, votre réseau, et votre crédibilité. Cela vous donnera plus d'options à l'avenir et augmentera votre impact potentiel.
Résumé du guide jusqu'ici
Nous avons couvert beaucoup de terrain dans ce guide. Récapitulons les idées principales :
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Vous pouvez avoir un impact énorme : Une seule personne peut affecter des milliers, voire des millions de vies si elle choisit judicieusement sa carrière.
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Certains problèmes sont plus importants que d'autres : Concentrez-vous sur les problèmes à la fois importants, négligés et résolvables.
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Il existe plusieurs voies vers l'impact : Gagner pour donner, diffuser des idées, faire de la recherche, travailler dans la gouvernance, ou développer des organisations.
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L'adéquation personnelle est cruciale : Vous aurez plus d'impact dans un domaine où vous pouvez exceller.
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Adoptez une approche expérimentale : Testez vos hypothèses et ajustez votre trajectoire en fonction de ce que vous apprenez.
Faut-il se sacrifier pour contribuer davantage ?
Une question importante mérite d'être abordée : pour avoir un impact significatif, faut-il sacrifier son bonheur personnel ?
Notre réponse est claire : non.
D'abord, pour des raisons pratiques : pour avoir un impact significatif, vous devez être performant sur le long terme. Vous risquez sérieusement de sous-performer et de vous épuiser si vous n'aimez pas ce que vous faites.
Ensuite, pour des raisons éthiques : votre bien-être compte aussi. Une approche purement sacrificielle n'est ni souhaitable ni nécessaire.
Au lieu de cela, cherchez des carrières qui vous permettent à la fois d'avoir un impact et de vous épanouir. Souvent, ces deux objectifs sont compatibles :
- Les gens sont généralement plus heureux quand ils trouvent du sens dans leur travail
- Travailler sur des problèmes importants peut être intrinsèquement motivant
- Développer des compétences valorisées socialement peut améliorer votre statut et votre bien-être
Bien sûr, il peut y avoir des compromis à court terme. Vous pourriez devoir accepter un salaire plus bas, déménager, ou investir du temps dans l'apprentissage de nouvelles compétences. Mais l'objectif est de trouver une carrière durable qui vous permet à la fois d'avoir un impact et d'être heureux.
Comment me mettre dans la meilleure position pour travailler à un poste à fort impact ?
Même si vous savez quelle approche vous voulez suivre, il se peut que vous n'ayez pas encore les compétences ou l'expérience nécessaires pour accéder aux postes les plus impactants. Comment vous y préparer ?
La clé est de développer ce que nous appelons le « capital professionnel » : l'ensemble de vos compétences, connaissances, expériences, et relations qui déterminent quelles opportunités s'offrent à vous.
Voici les éléments principaux du capital professionnel :
Compétences techniques
Développez une expertise dans un domaine valorisé. Cela pourrait être :
- Programmation et sciences des données
- Recherche et analyse quantitative
- Communication et écriture
- Gestion de projet et leadership
- Expertise spécialisée dans un secteur important (santé, éducation, technologie, etc.)
Crédibilité et réputation
Construisez une réputation de personne compétente et fiable dans votre domaine :
- Obtenez des diplômes ou certifications reconnues
- Publiez des travaux de qualité
- Parlez dans des conférences
- Obtenez des recommandations de personnes respectées
Réseau professionnel
Développez des relations avec des personnes qui travaillent sur des problèmes importants :
- Participez à des conférences et événements sectoriels
- Rejoignez des organisations professionnelles
- Entretenez des relations avec d'anciens collègues et camarades d'études
- Mentoren des jeunes professionnels
Expérience pratique
Acquérez une expérience concrète de résolution de problèmes :
- Travaillez sur des projets avec des enjeux réels
- Prenez des responsabilités de management
- Expérimentez différents types d'organisations (startup, grande entreprise, ONG, secteur public)
Compréhension du paysage
Développez une compréhension approfondie des problèmes sur lesquels vous voulez travailler :
- Étudiez la littérature académique pertinente
- Rencontrez des praticiens et des experts
- Comprenez les enjeux politiques et sociaux
- Identifiez les opportunités et les goulots d'étranglement
L'idée n'est pas de tout développer à la fois, mais d'investir stratégiquement dans les éléments qui vous ouvriront le plus d'opportunités dans les domaines qui vous intéressent.
Dans le prochain article, nous allons voir comment développer son capital professionnel et prendre la bonne direction pour réussir à long terme.
Prenez une pause.
Notes et références
[^1]: Elton John est régulièrement classé parmi les célébrités les plus généreuses du Royaume-Uni. En 2016, il a donné 26,8 millions d'euros à des associations caritatives, principalement axées sur les interventions contre le VIH/SIDA dans les pays en développement. GiveWell suggère que ces interventions sont environ 10 fois moins efficaces que les associations caritatives les mieux recommandées, mais on estime qu'une vie a été sauvée pour chaque 46 000 euros donnés aux organisations de lutte contre le SIDA.
[^2]: En 2012, leurs dons sont allés à 80,000 Hours et à des organisations connexes comme le Centre for Effective Altruism.
[^3]: Les salaires moyens des directeurs varient entre 46 000 et 69 000 euros selon la taille du budget organisationnel.
[^4]: Taux de change utilisé : 0,9145 (janvier 2024).
[^5]: Les personnes gagnant entre 91 500 et 183 000 euros contribuent en moyenne 2,6 % de leurs revenus. Les tranches de revenus inférieures et supérieures donnent légèrement plus (3,6 % et 3,1 % respectivement).
[^6]: Alan Turing a potentiellement raccourci la Seconde Guerre mondiale d'un an et sauvé environ 10 millions de vies grâce à son travail cryptographique.
[^7]: Les universitaires ne représentent que 0,1 % de la population mondiale.
[^8]: BioNTech a développé le premier vaccin contre la COVID approuvé par une autorité réglementaire stricte.
[^9]: Sam Bankman-Fried a donné à 80,000 Hours au début de sa carrière. FTX a fourni des fonds au groupe Effective Ventures.
[^10]: Cette référence cite une étude psychologique sur l'âge et les réalisations exceptionnelles.